Pierre Maudet démissionne et s’en remet aux urnes

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GenèvePierre Maudet démissionne et s’en remet aux urnes

Le conseiller d’État, sans département depuis mercredi, remet son mandat en jeu. Il explique son choix et commente l’audit RH qui a précipité sa chute.

Pierre Maudet est candidat à sa propre succession.

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«J’ai décidé de remettre mon mandat. Je serai candidat à ma propre succession.» Un séisme a secoué le monde politique genevois à 16h15 ce jeudi lorsque Pierre Maudet a annoncé sa démission du Conseil d’État. La veille, le gouvernement lui avait retiré la gestion de son Département du développement économique (DDE), à la suite d’un rapport d’audit intermédiaire faisant état de graves souffrances au travail parmi ses collaborateurs. Brusquement privé de toutes responsabilités, Pierre Maudet a décidé de ne pas contester en justice la décision de ses pairs. «Je n’aime pas l’idée d’un recours. L’heure n’est pas au combat judiciaire. Je dérange: on me met de côté. Je continue: on me dépouille. Ce n’est pas aux tribunaux de décider. Je demande au peuple de me renouveler sa confiance.» Quelques minutes plus tard, il dira: «Je le dois à la population.»

L’élu explique son choix par «un double déclencheur»: d’une part, la crise économique et sociale liée au Covid lui fait dire que «l’on ne peut pas se permettre de flou institutionnel»; d’autre part, la décision de l’évincer lui apparaît «insupportable. On veut faire taire une voix critique. J’ai pris cette décision car je ressens un fort soutien pour mes résultats.»

Pierre Maudet annonçant sa démission.

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«Un coup monté, un prétexte»

Sur le fond de l’affaire, soit ce rapport d’audit dévastateur déclenché par un fort taux d’absentéisme à la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (DG-DERI), qui emploie vingt et un collaborateurs, Pierre Maudet parle de «coup monté. C’est un prétexte.» Il s’étonne de «l’empressement» de ses collègues à sévir, remarquant n’avoir pas vu une telle célérité à agir dans d’autres services en souffrance. Il juge le rapport intermédiaire qui lui a été soumis mardi soir seulement comme «inacceptable à la forme comme au fond», notamment parce qu’il n’a pas pu exercer son droit d’être entendu.

Les souffrances des employés admises

Pierre Maudet admet néanmoins que «des pressions fortes, voire excessives ont sans doute été exercées» sur ses collaborateurs. Il les justifie par la situation exceptionnelle due à l’épidémie, qui l’a amené à demander «le double d’énergie» à ses troupes. «Des heures et des heures de travail ont été accomplies, mais je les ai voulues pour le bien de la collectivité.» Il ne nie cependant pas les souffrances des employés, dont il «salue» le travail. «Ils ont sans doute été pressurisés, je suis quelqu’un d’exigeant, qui demande de beaucoup travailler, de beaucoup produire. Certes, mon style est directif, mais je suis toujours reconnaissant.» Les témoignages contenus dans l’audit l’ont ainsi «touché. Cela exprime des ressentis. Je n’ai pas à les juger, je dois les intégrer. Par nature, on ne peut pas remettre en cause un témoignage. Ils reflètent une situation réelle.»

«Cela valait la peine» de rester en poste

Pierre Maudet juge en revanche que «les résultats» obtenus durant l’épidémie, «ce qu’ont accompli mes collaborateurs, les projets de loi, les aides directes, les médiations entre les milieux immobiliers et les locataires valaient la peine» de se battre et de ne pas démissionner plus tôt, au début de la crise institutionnelle qui secoue Genève depuis sa mise en cause judiciaire dans l’affaire du voyage à Abu Dhabi (pour lequel il est prévenu d’acceptation d’un avantage) et le rétrécissement drastique de ses prérogatives depuis plusieurs mois. Mais aujourd’hui, privé de tout département, «la situation institutionnelle a changé. Elle n’est tenable ni pour moi, ni pour le Conseil d’État.»

«Peut-être mon dernier combat»

L’élu explique qu’il restera en poste jusqu’à ce que son successeur (ou lui-même) prenne ses fonctions. D’ici là, il continuera à siéger aux séances du Conseil d’État. Il n’entend pas fonder de parti, et affirme ne bénéficier pour l’heure d’aucun soutien financier. Pierre Maudet va désormais consacrer son temps «à recueillir l’avis des Genevois, qui ont tant à nous apprendre. Je vais mener ce qui sera peut-être mon dernier combat. J’ai acquis une expérience que je peux mettre au service de la population: même avec un petit département, on peut avoir de grands effets si l’on y croit et qu’on écoute les gens. Sur ces points, je pense être crédible.»

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