Genève: Jeunes déboutés de l'asile: le paradoxe qui coûte des millions

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GenèveJeunes déboutés de l'asile: le paradoxe qui coûte des millions

Entre aide d’urgence et absence de salaire, interdire les jeunes déboutés de l’asile d’accéder au marché du travail a fait perdre treize millions à la collectivité, en dix ans. 

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Former les demandeurs d’asile mais les empêcher de travailler si leur demande est déboutée n’est pas pragmatique, estime le CSP.

Former les demandeurs d’asile mais les empêcher de travailler si leur demande est déboutée n’est pas pragmatique, estime le CSP. 

20min/Ela Çelik

C’est un paradoxe qui prive la collectivité genevoise de millions de francs. Au bout du lac, les jeunes de 18 ans et plus, déboutés de leur demande d’asile, ne peuvent pas travailler. Or, ils sont pour la plupart formés sur les bancs des écoles genevoises jusqu’à, en tout cas, leur majorité, la constitution cantonale garantissant  l’accès à l’éducation pour tous jusqu’à 18 ans. Genève prend ainsi en charge leur scolarité, mais peu importe le diplôme obtenu, ils ne peuvent pas trouver d’emploi et leurs compétences sont inutilisables. Les jeunes ne peuvent également pas envisager d’apprentissage dual, qui nécessite une autorisation de travail. Le Centre social protestant (CSP) et Vivre Ensemble ont mandaté une étude universitaire pour évaluer le manque à gagner provoqué par cette situation. 

Résultat? En dix ans, l’économie genevoise aurait pu profiter de treize millions supplémentaires, si les 32 jeunes déboutés de l’asile qui vivent au bout du lac pouvaient y participer. Ce chiffre, détaille Julien Massard, chercheur à l’Université de Genève et à la Haute école de gestion, serait une estimation plutôt basse, comprenant le coût moyen annuel de l’aide d’urgence accordée aux déboutés et le salaire qu’ils pourraient gagner. En chiffrant cette problématique, le CSP et Vivre Ensemble appellent le canton du bout du lac à changer sa politique et à autoriser les déboutés à travailler. 

Options de survie

Le problème concerne les personnes qui n’obtiennent ni un statut de réfugié ni une admission provisoire; elles doivent quitter la Suisse au plus vite et n’ont pas le droit de travailler. Pour survivre, trois options: quitter le pays, devenir clandestin ou rester à l’aide d’urgence. La première ne tient pas en compte de la situation politique et sociale du pays d’origine. «Ce n’est pas parce que leurs motifs de fuite n’ont pas été reconnus lors de la procédure d’asile qu’ils n’existent pas», écrit Julien Massard.

La dernière solution, celle de l’aide d’urgence, est une aide sociale extrêmement réduite qui «incite au départ», selon Vivre Ensemble. Elle accorde soit des bons ou des repas déjà préparés, occasionnellement des espèces, pour un montant d’environ dix francs par jour. Parfois moins. Or, certains déboutés en dépendent sur le long terme, alors qu’elle est conçue comme une sorte de dépannage d’extrême urgence. En effet, différents obstacles à un renvoi, diplomatiques ou administratifs, existent. 

Programme fribourgeois

 «Cette étude vient confirmer le constat que nous martelons depuis des années : l’impasse dans laquelle se trouvent ces jeunes est aussi coûteuse pour elles que pour la collectivité», dénoncent le CSP et Vivre Ensemble. Et de citer l’expérience fribourgeoise FriRAD, jugée positive. Fin 2022, 24 personnes s’étaient d’ores et déjà vu proposer d’entrer dans le programme, qui vise à «extraire de ce statu quo stérile certaines situations qui présentent un potentiel d’intégration suffisant», selon le Conseil d’Etat fribourgeois.

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