En Corée du Sud, des campagnes électorales sur airs de K-pop

Publié

Chansons et chorégraphiesEn Corée du Sud, des campagnes électorales sur airs de K-pop

Les racines de ce goût pour une campagne politique dynamique, se trouvent dans la mutation de la Corée du Sud d’un régime militaire, en une démocratie, dans les années 1980.

En Corée du Sud, une loi électorale insolite permet aux candidats aux élections de transformer un populaire air de K-pop en hymne de campagne, avec sa chorégraphie et ses paroles devenues slogans, pour faire passer leur message à 127 décibels. Des titres phares de la K-pop à «Baby Shark», la chanson virale pour enfants sortie en 2016, dont la vidéo YouTube est la plus regardée au monde, aucun titre n’est à l’abri d’une transformation à visée politique.

Alors qu’approchent les élections législatives du 10 avril en Corée du Sud, Nam In-soon, une membre du Parti démocrate qui brigue un quatrième mandat dans un district de Séoul, tient un rassemblement mêlant discours de campagne et passages musicaux tonitruants, où des membres de son équipe de campagne exécutent des chorégraphies. Utiliser de la musique et de la danse pour faire campagne «aide à intéresser les électeurs», affirme Nam In-soon à l’AFP. «Je peux faire passer mon message et mes promesses politiques par le biais des chansons de campagne, car nous utilisons des chansons bien connues du public», explique-t-elle.

Nam In-soon a choisi un tube de K-pop intitulé «Jilpoonggado» (Route Orageuse, en français), dont les paroles originales, qui évoquent le courage nécessaire pour faire face à une tempête, ont été modifiées et se terminent par: «Bulletin numéro 1 Nam In-soon! La bonne personne pour diriger Songpa».

La mélodie entêtante de «Baby Shark» et quelques hits «trott» – une K-pop plus lente, populaire auprès des auditeurs plus âgés – retentissaient également pendant sa campagne, pour séduire les électeurs de tous âges.

Rendre la politique moins ennuyeuse

Les campagnes rythmées par de la K-pop sont éreintantes, et pas seulement pour les candidats: chaque jour pendant les quelque deux semaines précédant le scrutin, la chorégraphe de campagne Kim Mi-ran exécute trois fois par jour, un épuisant numéro de danse lors des meetings de la candidate Nam. «Le siège du parti nous a donné quelques lignes directrices, mais l’équipe du candidat a un grand pouvoir de décision» sur la sélection des chansons et les chorégraphies, dit-elle.

«J’ai discuté avec son équipe pour choisir une série de chansons qui vont bien avec la candidate et j’ai chorégraphié en conséquence», détaille Kim Mi-ran, qui milite pour les droits civiques en dehors des périodes électorales.

L’une des chansons interprétée par Davichi, un duo féminin de K-pop, et intitulée «Yeoseong Shidae», qui signifie «L’ère des femmes», a été choisie pour mettre en avant le fait que Nam In-soon est l’une des rares femmes candidates. Parmi les candidats au scrutin du 10 avril, seuls 14,1% sont des femmes, et 19% seulement des députés en exercice sont des femmes.

Des racines historiques

Dans des pays comme la France, le Royaume-Uni ou le Pakistan, les candidats ne peuvent organiser des événements de campagne que dans des lieux désignés, avec l’approbation des autorités. Mais en Corée du Sud, la loi électorale autorise les candidats à organiser des événements de campagne dans les rues de leur circonscription pendant les deux semaines précédant le scrutin, à condition qu’ils ne dépassent pas 127 décibels, soit le niveau d’un concert de rock.

Dimanche, lors d’un rassemblement commun à deux candidats du Parti du pouvoir au peuple (PPP) du président Yoon Suk Yeol, une chanson de trott intitulée «You and Me» est devenue un hymne du parti. «Toi et moi, tous les deux pour le Parti du pouvoir au peuple, allons-y ensemble», disent les nouvelles paroles.

Les racines de ce goût pour une campagne politique dynamique et bruyante se trouvent dans la mutation de la Corée du Sud d’un régime militaire en une démocratie dans les années 1980, dit à l’AFP le consultant politique Bae Kang-hun. «De nombreux étudiants militants pro-démocratie dans les années 1980, qui ont aidé le pays à organiser une élection présidentielle directe en 1987, ont ensuite rejoint la scène politique traditionnelle», relate-t-il. Les élections de 1987 avaient mis fin à des décennies de régime militaire. Lorsque ces étudiants protestataires qui ont contribué à renverser la dictature militaire se sont lancés en politique, «ils ont adapté de nombreuses caractéristiques de leurs manifestations en faveur de la démocratie» pour leurs rassemblements, raconte Bae Kang-hun.

Ils ont ainsi «chanté des chansons et exécuté des chorégraphies, comme ils l’avaient fait autrefois dans les rues pour réclamer la démocratie contre un gouvernement dictatorial». «Ces caractéristiques sont devenues des piliers de la campagne d’aujourd’hui», dit-il.

(afp)

Ton opinion

4 commentaires