Colombie, pays le plus meurtrier pour les activistes du climat

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Amérique latineLes défenseurs de l’environnement en danger en Colombie

Selon un rapport publié mardi, la Colombie reste le pays du monde le plus dangereux pour les défenseurs de l’environnement, avec une soixantaine d'activistes tués en 2022.

Des habitants de Leticia, en Colombie, le 9 juillet 2023.

Des habitants de Leticia, en Colombie, le 9 juillet 2023.

AFP

Au moins 177 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en 2022 dans le monde, dont une soixantaine en Colombie, pays le plus dangereux pour ces militants, selon le rapport annuel de l’ONG Global Witness publié mardi.

Bien que ce chiffre global soit légèrement inférieur à celui de l’année précédente (200 morts), «la situation ne s’est pas améliorée de manière substantielle» dans le monde et la moyenne d’un activiste tué tous les deux jours s’est maintenue, a commenté l’organisation britannique.

En 2022, l’Amérique latine représentait 88% de ces 177 victimes à l’échelle mondiale, dont 60 pour la seule Colombie, un chiffre qui a doublé par rapport à 2021.

«Une fois de plus, les peuples indigènes, les communautés d’origine africaine, les petits paysans et les défenseurs de l’environnement ont été durement touchés dans ce pays d’Amérique du Sud», s’alarme Global Witness.

Depuis son arrivée au pouvoir en août 2022, le président de gauche Gustavo Petro s’est engagé à réduire les violences à l’encontre de ces activistes et autres leaders communautaires, mais ses actions ont été insuffisantes selon les ONG locales.

En proie à de multiples conflits armés depuis un demi-siècle, la Colombie a toujours été l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les défenseurs de l’environnement. Elle connaît une recrudescence de la violence et un regain d’activisme des groupes armés presque toujours impliqués dans des activités illégales (narcotrafic, exploitation minière, trafics de bois…).

Ailleurs dans le monde, la défense de la nature a coûté la vie à 34 personnes au Brésil, 31 au Mexique, 14 au Honduras, et 11 aux Philippines.

«Pas un mort de plus»

«Il reste difficile de préciser les causes exactes de ces meurtres», reconnaît Global Witness, mais la plupart d’entre eux sont liés à l’agro-industrie, à l’exploitation minière et forestière, à l’accès à l’eau et au braconnage.

Des enfants ont également été pris pour cible: «trois au Brésil, un en Colombie et un au Mexique. Trois d’entre eux étaient des indigènes», selon le rapport.

L’AFP a interrogé l’une de ces activistes menacées en Colombie, Nadia Umana, sociologue de 35 ans. Elle est membre d’une organisation qui récupère les terres volées aux paysans par les paramilitaires à la frontière entre Magdalena et Cesar, deux départements historiquement marqués par la violence de ces milices d’extrême droite qui y investissent dans l’élevage de bétail, les plantations de palmiers à huile ou les mines illégales.

Quatre de ses compagnons de lutte ont été déjà assassinés. «Savoir qu’un de ses camarades a été assassiné est une douleur qui n’a pas de mots», confie Mme Umana à l’AFP à Bogota. Elle dénonce «une attaque systématique» contre son organisation pour s’être opposée aux paramilitaires et à leurs activités illégales. «Défendre l’environnement, défendre la nature, défendre la terre (…) ici en Colombie est un métier risqué», déplore-t-elle. Lassés des menaces, Mme Umana et ses camarades se battent désormais à distance depuis la capitale. «Nous avons pris la décision de ne pas nous exposer à un mort de plus», explique-t-elle.

Autre exemple emblématique, la vice-présidente actuelle du pays, l’afro-colombienne Francia Marquez, lauréate du prix Goldman 2018 -souvent comparé à un Nobel de l’environnement- a reçu de multiples menaces et a été la cible de plusieurs attaques dans ses années de militantisme.

En 2019, avant son arrivée au pouvoir, elle a survécu à une attaque à la grenade et à des tirs pour avoir défendu l’accès à une eau propre pour des communautés noires victimes de l’exploitation minière illégale.

Toujours l’Amazonie

La forêt amazonienne (étendue sur huit pays), dévorée par l’exploitation forestière et les incendies criminels pour faire place à l’élevage de bétail, a également connu une année 2022 meurtrière pour les défenseurs de l’environnement.

«L’année dernière, 39 défenseurs y ont trouvé la mort. Parmi eux, 11 appartenaient à des communautés indigènes», selon Global Witness. «Année après année, ceux qui défendent ce biome (…) laissent leur vie pour protéger leurs maisons, leurs moyens de subsistance et la santé de notre planète», avertit l’ONG.

En 2022, l’assassinat du journaliste britannique Dom Phillips et de l’expert indigéniste brésilien Bruno Pereira en Amazonie brésilienne est devenu un symbole de la violence croissante dans cette région où opèrent les trafiquants de drogue, les mineurs illégaux et les braconniers.

Au Brésil, les écologistes ont dû faire face à une «hostilité implacable» de la part de l’ex-président Jair Bolsonaro (2019-2022). Et le Mexique, pays le plus meurtrier en 2021, «a enregistré une baisse notable», passant de 54 à 31, mais la situation y reste «alarmante», juge l’ONG.

«Au moins 1910 défenseurs de la terre et de l’environnement ont perdu la vie dans le monde entier depuis que Global Witness a commencé à documenter ces assassinats en 2012», rappelle ce nouveau rapport. Sur ce total, 70% ont été enregistrés en Amérique latine.

(AFP)

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